Le choix d’une structure juridique d’entreprise

 I – Approche juridique de la notion d’entreprise

En droit, on dit que l’entreprise est cachée sous la propriété.
Autrefois, on disait  que le droit ne connaissait pas l’entreprise en tant que telle. Aujourd’hui encore certains considèrent qu’un droit des entreprises existe, d’autres non.
Pour adopter une position intermédiaire, nous dirons qu’une certaine évolution a eu lieu, évolution tant législative que doctrinale ou jurisprudentielle, en vue de la reconnaissance d’un véritable droit de l’entreprise.
Le droit connaît donc surtout l’entrepreneur.

L’analyse économique se reflète t’elle dans l’ordre juridique ?

La notion d’entreprise est appréciée en premier lieu par les économistes :

En effet, l’entreprise est non seulement la cellule de base de la vie des affaires mais encore produit des biens et services censés répondre aux besoins des agents économiques.  La vitalité d’un pays dépend bien entendu des résultats de ses entreprises.

En économie, l’entreprise se définit de la façon suivante : « l’entreprise est une unité de production dont le but est la recherche d’un profit maximum au sein d’un marché ».
Cette définition est bonne parce que simple et réaliste mais elle manque de caractère juridique.

On ne peut s’approcher d’un certain caractère juridique de l’entreprise qu’après quelques constatations fondamentales :

1° constatation : toute entreprise appartient à un entrepreneur
L’entrepreneur a la propriété des moyens de production. Économiquement parlant,  il possède un capital et accepte de le risquer.

2° constatation : Les facteurs de production nécessaires à l’exercice de l’activité choisie seront réunis au moyen d’accords contractuels:

L’entrepreneur va en effet conclure

  • – des contrats de travail avec des salariés
  • – des contrats de prêt avec son banquier
  • – des contrats de fourniture avec les fournisseurs
  • – des contrats en vue de l’acquisition du matériel (ex : leasing)

Le droit envisage donc l’entreprise essentiellement  sous l’angle du droit des obligations et sous l’angle des structures juridiques. L’analyse économique se reflète donc très mal dans l’ordre juridique.

Donc, si les définitions économiques manquent de caractère juridique, le droit seul cerne de façon insuffisante l’entreprise car il reste fondé sur un principe qui associe les notions de propriété et de pouvoir.

Autrefois, il existait même un sacro-saint principe qui était celui de l’unité du patrimoine : « Toute personne a un patrimoine mais n’en a qu’un ».
Il en résulte que pour un entrepreneur individuel, l’entreprise est considérée dans son patrimoine de la même manière que ses biens personnels. Le principe de l’unité du patrimoine est par là même très gênant car les dettes de l’entreprise engageront non seulement les biens de l’entreprise mais également les autres biens de l’entrepreneur.
Inversement, les dettes personnelles de l’entrepreneur engageront également les biens affectés à l’exploitation de l’entreprise.

Ce principe est sérieusement remis en cause aujourd’hui.

Le fait d’accorder en Droit  une autonomie totale à l’entreprise suppose  la reconnaissance de l’existence  juridique d’un patrimoine d’affectation. Pendant de très nombreuses années le Droit n’a pas évolué à ce niveau.

En France, la théorie du patrimoine d’affectation n’est parvenue que très lentement à s’introduire dans notre droit.
En effet  on admettait assez mal qu’une personne puisse « mettre une partie de ses biens à l’ombre » en les faisant échapper aux poursuites des créanciers ».
En bref, le législateur voulait protéger les créanciers de l’entrepreneur ; c’est la raison d’être du principe de l’unité du patrimoine. Le droit ignorait donc (dans une certaine mesure) l’entreprise pour ne connaître que l’entrepreneur.

Aujourd’hui, la question semble avoir évolué, notamment dans la possibilité dont dispose un entrepreneur d’affecter à son activité professionnelle un patrimoine spécifique et bénéficier ainsi du régime juridique de l’EIRL.

Dans les sociétés (SA et S.A.R.L), une certaine autonomie est accordée à l’entreprise du point de vue de la responsabilité des associés sur le passif social, mais par ailleurs les notions de propriété et de pouvoir restent confondues.
De plus il est possible de constituer une EURL ce qui a pour effet de limiter la responsabilité de l’entrepreneur (facilement contournée par les banques car les prêts aux EURL sont toujours assortis de garanties personnelles).

On peut donc dire que l’entreprise commence à être reconnue comme une entité distincte de l’entrepreneur en raison de sa mission sociale et économique.

Déjà en 1954 L’arrêt Société Brinon montrait cette reconnaissance progressive de l’entreprise en droit dans la position qui avait été adoptée par la Cour d’Appel ( décision cassée par la Cour de Cassation) :

Faits :

En 1954 la société Brinon ferme ses portes. Les créanciers avaient reçu l’intégralité de leurs créances en moins d’un an et mieux, à un taux d’intérêt de 6%. Les actionnaires se sont partagé le bilan ; il y avait donc quelque chose d’anormal dans cette fermeture. Les salariés exigèrent une mise au clair de cette situation  car ils se trouvèrent sans emploi. Ils demandèrent donc des dommages intérêts.

La cour d’appel se prononça en faveur des salariés mais la Cour de Cassation annula cette décision pour les motifs suivants:
« L’employeur qui porte la responsabilité de l’entreprise est seul juge des circonstances qui le déterminent  à cesser son exploitation et aucune disposition légale ne lui impose l’obligation de maintenir son activité à seule fin d’assurer à son personnel la stabilité de son emploi pourvu qu’il observe les règles relatives au droit du travail ».

La Cour de Cassation choisit donc d’identifier l’intérêt de l’entreprise à celui de l’entrepreneur. Rien n’oblige en effet à l’entrepreneur de maintenir son activité s’il ne le souhaite pas.

Cette phase de reconnaissance juridique (Cour d’Appel dans cet exemple) de l’entreprise en tant qu’entité distincte de l’entrepreneur apparaît aussi dans la loi :

Ex:

  • – on  maintient le contrat de travail des salariés en cas de cession de l’entreprise
  • – Si des dirigeants ont commis des fautes, on les sanctionnera
  • – En cas de cessation de paiement, l’entreprise pourra bénéficier d’une procédure de redressement si elle est viable.
  • – Le Fisc reconnaît l’autonomie de l’entreprise.
  • – Un autoentrepreneur peut bénéficier du statut de l’EIRL. En affectant à son activité professionnelle un patrimoine spécifique, il protège son patrimoine personnel (voir www.lautoentrepreneur.fr)

Peu à peu l’entreprise affirme donc son autonomie juridique.

 
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2 commentaires sur “Le choix d’une structure juridique d’entreprise

  1. le PDG d’une SA doit il être obligatoirement actionnaire dans le capital.
    S’il détient une seule action, est ce que dans ce cas, sa non participation dans une AGO est contraignante pour la teneur des résolutions qui le concernent? et dans quelle mesure?

  2. bonjour
    j aimerais savoir si un huissier qui poursuit une personne physique opur des dettes personnelles, peut il saisir également les comptes bancaires de son eurl ? ou est ce complètement séparé? et la societe EURL est protégée? merci

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