Image, projet et culture d’entreprise

On attribue l’origine de la formule « culture d’entreprise » à Elliot Jacques du Tavistock institute à Londres. Pour lui, la culture de l’entreprise se définit comme son mode de pensée et d’action habituelle plus ou moins partagé –  plus ou moins partagé et qui doit être appris et accepté.

Dans les années 50 et 60, des études américaines de management comparé s’intéressent aux variations dans les modes de gestion des entreprises dans des pays différents. Elles mettent en valeur  la notion de facteurs culturels : — au Japon, en particulier, le succès des industries modernes semble fondé sur la transplantation de valeurs traditionnelles de solidarité et de respect de la hiérarchie.

La notion de culture d’entreprise a connu un grand développement, en particulier en matière de gestion des ressources humaines, pendant des années 80, et a justifié un nombre très important d’expériences de management telles que les groupes d’expression, les cercles de qualité, les structures par projets, etc..

En effet, depuis un certain nombre d’années, les analyses de l’entreprise font une place de plus en plus importante aux facteurs psychosociologiques — l’homme est devenu la principale variable du succès et de l’efficacité des organisations, et ceci en raison non seulement de l’élévation du niveau culturel de l’individu mais encore en raison du progrès technique et de l’automatisation des procédés.

C’est dans le cadre de cette évolution que se placent les concepts d’identité et de culture d’entreprise en tant qu’éléments d’analyse au même titre que la stratégie, le système de décision ou la structure.

Les concepts d’image, de projet, et de culture d’entreprise ne doivent pas s’être confondus.

L’identité de l’entreprise englobe tous ces concepts et représente l’ensemble des éléments qui constituent la spécificité de l’entreprise.

I — L’image de l’entreprise

L’image de l’entreprise se définit comme l’ensemble des représentations mentales, croyances ou connaissances liées à l’entreprise. La notion recouvre deux aspects :

  • l’image perçue par le public
  • l’image perçue par les salariés.

A — l’image de l’entreprise telle qu’elle est perçue par les salariés

Aujourd’hui, la socialisation par le travail ne va plus de soi. Les salariés construisent leur identité professionnelle en bonne partie dans l’entreprise dans laquelle ils travaillent. L’image de l’entreprise peut-être bonne ou mauvaise selon les cas. On distingue traditionnellement à ce niveau deux aspects : l’imaginaire organisationnel et les productions symboliques de l’entreprise.

1 — l’imaginaire organisationnel :

C’est l’image que le salarié a de son entreprise. Elle est fondamentale dans son implication au travail et dans son intégration sociale. Ainsi, une recherche récente intégrant de façon statistique les données qualitatives recueillies par des entretiens a dégagé, parmi les entreprises françaises contemporaines, quelques modèles d’intégration sociale ( modèle de Sainsaulieu)

  • L’entreprise « communauté » : elle correspond à un contexte d’entreprise centré sur la performance commerciale dans une situation de forte concurrence. L’esprit communauté caractérise souvent les PME du secteur du bâtiment et du commerce. Les salariés se reconnaissent ici acteurs de l’entreprise et on retrouve dans ce modèle la figure omniprésente des clients, du métier, et du sentiment d’appartenance (voir même d’attachement affectif) à l’entreprise.
  • L’entreprise « bureaucratique » : — elle caractérise le monde des administrations publiques. Les salariés sont ici souvent tiraillés entre leur identité de fonctionnaire et leurs projets personnels extérieurs.
  • L’entreprise « en crise » représente le cas de figure d’une modernisation partielle souvent bloquée. La situation se caractérise par un affrontement entre les métiers de pointe (qui correspondent à une population jeune, diplômée, etc…) et les métiers menacés par des changements (les anciens professionnels, les syndicats, qui développent une stratégie de maintien de leur suprématie symbolique). Ce modèle se rencontre plutôt dans des secteurs traditionnels telles que la mécanique, l’automobile, la sidérurgie, le textile, etc..).
  • L’entreprise « duale » est issue de l’exacerbation de la concurrence sur certains marchés. La recherche conjointe d’une meilleure productivité et d’une plus grande flexibilité aboutit à une segmentation nette des activités et du personnel —   d’un côté les activités de services avec un personnel qualifié et valorisé et d’un autre une main-d’œuvre souvent peu qualifiée au statut parfois précaire. Ces entreprises se rencontrent souvent dans le secteur de la restauration, du nettoyage industriel, etc…
  • L’entreprise « moderne » est beaucoup plus difficile à analyser — nous dirons que ces entreprises se caractérisent par la place accordée au facteur humain.  Les liens que tissent les individus entre eux sont basés sur trois éléments : — un sentiment d’appartenance  très fort — une implication au travail exemplaire — une soumission « librement consentie ». Ces trois types d’investissements psychiques sont indispensables à la bonne marche de la production. L’efficacité de l’entreprise se fonde en effet sur l’investissement de l’individu vis-à-vis du groupe, sur l’investissement de l’individu vis-à-vis de son travail, et sur l’autonomie dans le travail c’est-à-dire l’appropriation par chacun de son travail sans besoin qu’il soit nécessaire de recevoir des ordres ou des directives.
     

2 — les productions symboliques :

Chaque entreprise se repère par des signes distinctifs — logo, de façon de s’habiller, vocabulaire, comportement professionnel type. Tout ceci fait partie de ce que l’on appelle les productions symboliques de l’entreprise.

On trouve également, selon les entreprises, des rites très différents : — le pot de promotion — le pot de départ — le discours de promotion — l’arrosage du nouveau bureau — le cadeau de départ à la retraite — et parfois même le cadeau de licenciement ! !

Certains rites sont qualifiés de « rites de fertilité » — il s’agit des étapes obligées de la prise de décision — il s’agit par exemple des réunions diverses et variées, des cercles de qualité, des séminaires, etc… Toute entreprise a également ses tabous — on sait ce qu’est un tabou : c’est ce que l’on veut nier, cacher, exorciser parfois. Certains tabous peuvent gêner le bon fonctionnement et l’efficacité de l’entreprise et il est particulièrement difficile de se débarrasser d’un tabou « tenace ».

Les entreprises ont également leurs « mythes ». Il peut s’agir d’un personnage mythique ayant particulièrement marqué la vie de l’entreprise (certains dirigeants par exemple) — il peut s’agir d’un produit mythique (Chanel nº 5 par exemple) etc.

B. — l’image de l’entreprise telle qu’elle est perçue par le public.

Nous nous contenterons d’évoquer ici la notion d’image de marque et son importance. Il s’agit, bien entendu, de la réputation de l’entreprise liée à la qualité de ses produits, de ses services, de ses innovations. Cette image peut, bien entendu être positive ou négative. Il est très difficile de redresser une image de marque négative d’où l’importance nouvelle donnée aux stratégies axées sur l’amélioration de la qualité des produits ou services.

II – le projet d’entreprise.

Un projet d’entreprise ne doit jamais être imposé aux salariés mais se négocie avec eux. Beaucoup d’organisations qualifient de projets des orientations stratégiques qui ne se déclinent en fait que sous forme d’ordres et de directives

  • la démarche concertative : sans concertation un projet ne peut être un bon projet car il doit être approprié par tous.
  • la simplicité : la démarche de projet doit s’appuyer sur des valeurs simples dans lesquelles tout le personnel se reconnaît.
  • absence de manipulation : il est bien évident qu’un projet ne pourra aboutir si les collaborateurs ont le sentiment d’avoir été exploités ou manipulés.
  • l’esprit d’équipe et le langage commun : un bon projet d’entreprise ne s’accommode pas de plusieurs discours. Les dirigeants doivent donc constituer une véritable équipe et tenir un discours harmonieux et homogène à l’ensemble des personnes impliquées dans le projet.
  • chacun doit pouvoir trouver un bénéfice : les collaborateurs an projet s’impliqueront d’autant plus qu’ils retireront un bénéfice personnel de leurs efforts (en termes de primes, augmentation de salaires, etc…).

On voit donc que tous ces éléments ont une importance grandissante dans la gestion des entreprises en raison des changements de l’environnement économique et social. Les bouleversements technologiques et les changements sociaux induisent une évolution des valeurs qui place les dirigeants devant de nouvelles responsabilités. Le succès de l’entreprise dépend pour beaucoup de la capacité à soulever l’enthousiasme des employés et à susciter leur identification à l’entreprise. C’est pourquoi le management doit développer un sentiment de communauté en fixant des normes et des valeurs transmissibles, acceptées par tous (ce qui suppose qu’elles aient été au préalable négociées) dont l’objectif est d’améliorer finalement la productivité humaine. Une culture forte, en améliorant des relations sociales, le climat général, la motivation au travail, permet l’obtention de performances supérieures durables pour certaines entreprises.

III — La culture d’entreprise.

On peut définir la culture d’entreprise comme étant l’ensemble des connaissances acquises qui influencent le comportement du facteur humain dans l’entreprise. Il s’agit finalement de l’ensemble des valeurs, des comportements communs, des mentalités et des pratiques professionnelles qui orientent les efforts de personnel vers la réalisation d’objectifs communs.

– La culture est donc d’abord liée à l’histoire de l’entreprise :

Historiquement, l’entreprise a toujours été confrontée à un certain nombre de problèmes, et, face à ces problèmes a adopté des solutions qui se sont avérées plus ou moins efficaces. La tendance est donc de raisonner par analogie pour tous les nouveaux problèmes qui se posent.

La culture d’entreprise est également le résultat de la synthèse des cultures individuelles. En effet, chaque individu, avant d’appartenir à l’entreprise, appartient à un groupe social. L’entreprise doit donc intégrer ces différentes cultures et pour cela définir un système de valeurs susceptibles d’être accepté par tous. Certaines entreprises se sont dotées d’une véritable charte concernant leur état d’esprit : — par exemple chez Bouygues les valeurs telles que la dignité et les droits de chacun sont respectées — les croyances sont cohérentes et stables et on demande à tout le personnel d’y adhérer. La charte souligne également l’importance de l’amour du défi, de l’ardeur au travail ou de l’esprit de challenge.

La culture d’entreprise est également liée à la personnalité des dirigeants.

Pour comprendre l’identité d’une entreprise, il importe de connaître son ou ses dirigeants. Il s’agira par exemple de connaître l’histoire du dirigeant dans l’organisation, comment il y est entré, comment il a gravi les échelons, comment il a su consolider son pouvoir. Il faut également connaître sa conception de son rôle, en particulier son style  soit centré sur l’action sur l’organisation elle-même et l’action sur les hommes qui la composent,  soit plutôt orientée vers l’extérieur, les groupes de pression, les relations stratégiques, politique etc… Par ailleurs, un dirigeant possède aussi une personnalité, avec ses pulsions, ses conflits, ses angoisses, etc….

Au final, nous pouvons distinguer quatre fonctions principales de la culture d’entreprise :

  • D’abord, la culture fournit une interprétation de la réalité.
  • Par définition, la culture d’entreprise transmise par le langage, les rites, les tabous, les mythes nous donne une certaine vision de la réalité, notamment par les actions correctives à appliquer ou encore par l’interprétation des opportunités et des menaces en provenance de l’environnement.
  • Ensuite, la culture met l’acteur en mesure d’agir.
  • Par le fait qu’elle offre une interprétation simplifiée de la réalité, la culture nous met en mesure d’agir alors qu’une perception totale de la réalité complexe nous paralyserait.
  • Enfin la culture est un facteur d’identification.

    Une culture commune implique un même système de représentation et de valeurs. Le système de représentation génère un accord sur les problèmes à traiter et sur les objectifs à atteindre. En d’autres termes la culture crée un consensus comportemental sur les actions à entreprendre.

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2 commentaires sur “Image, projet et culture d’entreprise

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