La consommation – Les rapports entre consommation et revenu

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2 — l’approche keynésienne

Pour Keynes, le niveau de consommation dépend essentiellement du revenu.

Nous avons vu, dans le chapitre consacré au keynésianisme, que la propension à consommer se définit comme le rapport consommation/revenu (C/R). Ce rapport représente la fraction du revenu consacré à la consommation.

Pour Keynes, les facteurs qui déterminent la propension à consommer sont souvent très subjectifs. Dans « théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie », Keynes parle de l’importance de la précaution, de la prévoyance, du calcul, de l’ambition, de l’indépendance, de l’initiative, et même de l’orgueil et de l’avarice. Pour lui, ces différents facteurs subjectifs peuvent être considérés comme stables à court terme. Une relance artificielle de la consommation par l’état au moyen d’une injection de revenus dans l’économie et donc forcément efficace à court terme (avec toutefois le risque, à long terme, que l’augmentation du revenu national généré par l’effet multiplicateur entraîne un surcroît d’épargne par rapport à la consommation).

 

B — les nouvelles théories de la consommation

 

  1. l’hypothèse de Dusenberry :
    Pour Dusenberry, la consommation, à une période donnée dépend non seulement du revenu de cette période mais aussi des habitudes de consommation acquises antérieurement. Dusenberry évoque également l’effet d’imitation — « tout citoyen d’une classe sociale donnée tend à acquérir le comportement de la classe immédiatement au-dessus. ». De ce point de vue, le club des « privilégiés » servirait de modèle de référence aux autres catégories sociales qui tentent de suivre ses dépenses lorsque leurs revenus augmentent ou lorsque la production de masse banalise les objets. Pour Dusenberry il s’agit donc d’une course poursuite au modèle supérieur.
  2. la théorie du revenu permanent de Milton Friedmann.
    En tant que chef de file des monétaristes, Milton Friedmann est l’économiste le plus opposé qui soit au modèle keynésien. Friedman pense que le comportement du consommateur n’est pas lié au revenu qu’il perçoit à un moment donné mais au revenu qu’il prévoit. Le consommateur anticipe donc ses gains, et prend ses décisions d’épargne ou de consommation en tenant compte non seulement de son revenu actuel mais surtout de ses revenus futurs. La propension à consommer n’est donc absolument pas proportionnelle au niveau de revenu présent — les erreurs d’anticipation se traduisent à court terme par une variation de l’épargne.
  3. l’effet de cliquet :
    Certains économistes pensent qu’en matière de consommation il existe un effet de « cliquet ». Cet effet de cliquet peut se définir comme la tendance du consommateur à maintenir son niveau de consommation antérieur même en cas de baisse de on revenu. De ce point de vue, le consommateur peut même être amené à prélever sur son épargne.
  4. la théorie du cycle de vie de Modigliani.
    Pour lui, un ménage a un cycle de vie et à chaque âge du cycle de vie correspond certains besoins spécifiques et un certain niveau de revenu. De ce point de vue, les individus sont prévoyants et organisent leur consommation et leur épargne sur la durée entière de leur vie.

 

II – Les rapports entre la consommation et le revenu – Les lois d’Engel.

A — les lois d’Engel

D’après les nombreuses études statistiques ayant été faites sur la consommation, il existe trois types de droites correspondant à trois grandes catégories de biens de consommation — ses droites sont connues sous le nom de droite d’Engel

  1. les dépenses alimentaires.
  2. les dépenses de logement est habillement.
  3. les dépenses de culture, hygiène, santé, loisirs, équipements ménagers et transport.

Représentation des droites d’Engel :

1 — Les dépenses alimentaires :

 

Schéma :

On constate que les dépenses alimentaires ont une ordonnée à l’origine positive. Lorsque le revenu (R) augmente, la consommation (C) augmente mais le rapport C/R diminue. Le rapport C/R représente la part du revenu consacré à la consommation (il s’agit de la propension moyenne à consommer — ces notions ont déjà été abordées dans le chapitre consacré à l’approche keynésienne).

C’est donc la proportion du revenu consacré à la consommation qui diminue au fur et à mesure que le revenu augmente. Ceci paraît logique dans la mesure où plus le revenu est important plus la consommation augmente en quantité ainsi que l’épargne. Mais, encore une fois, c’est la part du revenu consacré à la consommation qui diminue au fur et à mesure de l’augmentation du revenu. Ceci se représente sur le graphique par une droite dont l’origine est à l’ordonnée positive.

 

2 — les dépenses de loisirs, culture, hygiène, santé, équipements ménagers et transport

 

La situation est ici différente de celle des dépenses alimentaires. On constate que l’origine de la droite des dépenses de loisirs est à l’abscisse positive. Cela signifie qu’il s’agit de dépenses qui ne peuvent apparaître qu’à partir d’un certain niveau de revenu -cette observation n’est finalement qu’une observation de bon sens. On constate, sur le graphique, que lorsque le revenu augmente (R), la fraction de revenu (C/R) consacré aux dépenses de loisirs augmente. En d’autres termes, plus le revenu est important plus la fraction de revenu consacré aux dépenses de loisirs, culture, etc…. augmente en proportion de ce revenu.

3 – les dépenses d’habillement et de logement

Schéma :

 

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La situation est, ici, encore différente :

Lorsque le revenu (R) augmente, le rapport C/R, reste sensiblement constant. Indique que lorsque le revenu augmente, c’est la fraction de revenu consacré aux dépenses de logement est habillement qui reste à peu près constante.

En d’autres termes, la proportion du revenu consacré aux dépenses de logement est habillement reste toujours sensiblement la même quel que soit le niveau de revenu.

B. l’élasticité de la demande par rapport au revenu

Le concept d’élasticité de la demande d’un bien par rapport au revenu est représenté par le rapport entre la variation de la demande de ce bien (en pourcentage) et la variation du revenu (en pourcentage) qui est à l’origine de cette variation de demande.

Supposons par exemple que le revenu augmente de 1 % et que la consommation de tel ou tel produit augmente de 0,5 %, l’élasticité de la demande par rapport au revenu sera de 0,5 / 1 soit 0,5. On dira donc que l’élasticité de la demande de ce produit et de 0,5. — la formule de l’élasticité de la demande par rapport au revenu est donc la suivante :

Elasticité demande /revenu  =  Variation de la consommation en pourcentage / variation du revenu en pourcentage.

L’élasticité demande — revenu est globalement la suivante pour les grandes catégories de dépenses citées plus haut.

  • pour les dépenses alimentaires le rapport est inférieur à 1. Quand le revenu augmente de 1 %, les dépenses alimentaires augmentent de moins de 1 % quel que soit le niveau de revenu atteint.
  • pour les dépenses de logement est habillement le rapport est à peu près égal à 1. Cela signifie que lorsque le revenu augmente de 1 %, la consommation augmente également dans une proportion semblable (1 %).
  • pour les dépenses de loisirs, culture, hygiène, santé, équipements ménagers et transport, le rapport est supérieur à 1. Cela signifie que lorsque le revenu augmente de 1 %, la consommation augmente de plus de 1 %.

 

III – Les autres déterminants de la consommation globale

 A : Les prix

 1 – L’élasticité de la demande par rapport au prix

La loi de la demande s’exprime de manière très simple : « plus le prix d’un bien baisse, plus la quantité de demande de ce bien augmente. » Cette loi de la demande est, pourrait-on dire, un peu « trop logique ». En fait, la réaction de la demande par rapport à une variation de prix sera très différente selon la nature du bien. Par exemple, on conçoit assez facilement qu’une variation du prix du pain a une influence négligeable sur la demande — il en va de même pour l’essence malgré les augmentations nombreuses et successives. Par contre, pour d’autres produits, il n’en est pas de même — la demande pourra réagir à la moindre variation de prix.

En fait, la mesure de cette sensibilité de la demande par rapport au prix s’effectue grâce à ce que l’on appelle le coefficient d’élasticité de la demande par rapport au prix — la formule de ce coefficient d’élasticité est la suivante :

Élasticité de la demande par rapport au prix = variation de la quantité demandée en pourcentage / variation du prix en pourcentage.

On peut donc dégager différents types d’élasticités.

  • demande relativement élastique

    Ici, la moindre variation du prix à la hausse ou à la baisse par rapport au prix initial entraînera une variation supérieure de la demande par rapport à la demande initiale. Par exemple si la variation de prix est de + ou – 4 % et que la variation de la demande est de -10 % ou + 10 %, le coefficient d’élasticité sera toujours égal à -10 %/+ 4 % ou + 10 %/ -4 % soit -2,5.

  • demande d’élasticité unitaire

    Ici la variation de la quantité demandée est sensiblement égale au pourcentage de variation du prix. Le coefficient d’élasticité sera toujours égal à -1

  • demande relativement rigide
    Dans ce cas, le pourcentage de variation de la quantité demandée sera inférieur au pourcentage de variation de prix. Par exemple, si la variation de la quantité demandée est de -6 % et la variation du prix est de + 10 %, le coefficient sera de -0,6.
     
  • demande totalement rigide :

    Une demande totalement rigide se caractérise par une fixité de la quantité demandée quelle que soit la variation du prix.

Par exemple, si la variation du prix est de + 15 % et la variation de la demande est de 0 %, le coefficient d’élasticité sera de 0. Cette situation est assez rare et ne correspond finalement qu’à la demande portant sur certains produits de luxe.

— demande totalement élastique.

La quantité demandée peut, ici, varier dans des proportions considérables même pour une très faible variation de prix.

Par exemple, si la variation de la quantité demandée est de + 20 % alors que la variation du prix n’est que de moins 1 %, on parlera d’une demande totalement ou parfaitement élastique.

— demande anormale.

La loi de la demande (qui veut que le niveau de demande réagisse plus ou moins fortement au niveau des prix ) n’est pas toujours respectée. L’effet de « snobisme » pourra générer une demande anormale sur certains produits et ceci dans la mesure où certains consommateurs achètent d’autant plus volontiers un produit que celui-ci est cher ! — le coefficient d’élasticité de la demande par rapport au prix sera donc positif. Par exemple, si la variation de la demande est de + 10 % et que la variation du prix est de + 7 %, le coefficient d’élasticité sera de + 1,42. Ce coefficient est toujours positif dans le cas d’une demande anormale.

Notons que les études statistiques sur cette question n’abondent pas et sont finalement assez peu satisfaisantes. Par ailleurs, les goûts des consommateurs sont variables et la courbe de la demande peut se déplacer pour des niveaux de prix différents. Il n’est donc pas possible de classer précisément est complètement tous les biens de consommation selon leur élasticité.

2 – Le niveau des prix

Une hausse de l’indice des prix de X. % ne signifie pas forcément que tous les prix un augmente de X. %. Certains produits peuvent augmenter très fortement alors qu’il n’en sera pas de même pour d’autres.

La modification des prix est donc toute relative, et cette relativité exercera une influence certaine sur le niveau de consommation global.

Par exemple, si les prix augmentent en moyenne de 5 % et que le prix des biens durables augmente fortement alors que celui des produits indispensables (alimentation par exemple) augmente très peu il est probable que la demande des ménages sur les biens durables diminuera tandis que la demande sur les biens de première nécessité restera inchangée — il en résultera une baisse du niveau général de consommation.

B — la répartition du revenu

Tous les ménages n’ont pas la même propension à consommer. Par exemple, les ménages habitant à la campagne n’ont pas les mêmes besoins et leur propension moyenne à consommer est toujours plus faible que celle de la population urbaine — L’âge, la situation socioprofessionnelle, influence beaucoup la structure de la consommation des ménages.

Même si le revenu national reste inchangé, une simple modification de la répartition des richesses en faveur de telle ou telle catégorie au détriment des autres pourra entraîner une modification de la propension à consommer pour l’ensemble des agents économiques, et ceci influencera bien entendu le niveau global de consommation.

C — les anticipations

Nous avons déjà parlé de ce phénomène dans la première partie du chapitre. Rappelons brièvement l’importance des anticipations :

Les anticipations peuvent être objectives ou totalement subjectives. Par exemple, lorsqu’un ménage anticipe une augmentation de prix sur tel ou tel produit, cela le conduira à anticiper certains achats. La perspective d’une pénurie de biens (une menace de guerre par exemple) poussera également le consommateur à effectuer des achats de stockage. Par ailleurs, la conjoncture économique, la crainte d’une baisse de la croissance, du chômage, fera baisser la propension à consommer. Lorsque le consommateur n’a pas confiance dans l’avenir, ce ne sont pas des taux d’intérêt à 0 % qui le pousseront à s’endetter pour acheter un logement !

D’une manière générale, toute situation conjoncturelle incertaine engendrera un comportement de prudence beaucoup plus orienté vers l’épargne que vers la consommation.

D — l’effet de snobisme — l’effet de démonstration sociale

Voir plus haut : hypothèse de Dusenberry.

La consommation représente aujourd’hui environ 60 % du PIB.

 

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Annexe : — extrait

Extrait d’un article du monde — 1996

« Quant aux générations plus âgées, certes plus nombreuses mais vieillissantes, elles n’offrent pas — ou plus — un potentiel suffisant d’investissement. On peut supposer qu’elles sont pour l’essentiel équipées, en tout cas pour les biens élémentaires. Leurs besoins de consommation en viennent à se limiter à ce que les spécialistes appellent le marché du renouvellement. Lequel, par définition, est soumis à une « élasticité » moins favorable ou à des aléas de conjoncture. Si on ajoute à cela que la plupart d’entre eux craignent pour leur emploi, pour leur niveau de vie, voir pour l’avenir de leurs enfants, on peut imaginer qu’ils diffèrent leurs achats. L’importance de l’épargne se justifie par tous ces paramètres, où entre une forte dose de psychologie. Des catégories d’actifs vieillissants et inquiets développent nécessairement une propension aux économies de précaution. Ils thésaurisent par prudence. Peut-on le leur reprocher ? N’est-il pas contradictoire de leur demander de prélever dans leur épargne les moyens de relancer aujourd’hui la croissance économique et de leur tenir en parallèle un discours, logiquement alarmiste, où il est question de nouvelles formules de prélèvements, dont la capitalisation, pour financer des retraites dont on leur rappelle qu’elles ne pourront plus être ce qu’elles ont été ?
Alors qu’on leur demande d’allonger leur durée d’activité pour bénéficier de pensions qui seront plus faibles, il est difficile de les convaincre de jeter l’argent par les fenêtres. Au nom de la croissance, un sentiment de culpabilité se développe donc, que des commerciaux savent entretenir. Les professionnels de la literie diffusent actuellement un message télévisé où il est dit qu’un lit doit être changé après dix années de bons et loyaux services. Et ainsi de suite. Tant et si bien que l’on peut se demander si, pour relancer l’économie dans ces conditions, on n’en arrive pas à prôner une forme de gâchis civique.

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